Douce imposture de Noël, chap. 7

Tous les jours du 1er au 25 décembre 2020, je publie ici sur mon blog un nouveau chapitre de ma romance de Noël. Elle est aussi disponible sur plusieurs sites (Amazon, Kobo, Apple Books…) 

Pour accéder aux chapitres précédents et à toutes les infos sur le livre, c’est par ici.

Bonne lecture !

VANESSA

Évidemment, l’hôtel que nous dégote Victor n’est pas un relais de camionneurs. C’est une auberge chaleureuse et confortable avec des décorations de Noël charmantes, des couronnes de branchages aux fenêtres habillées de nœuds de velours rouge et des alcôves murales éclairées à la bougie. En fonds sonore, le Casse-noisette de Tchaïkovski contribue à créer une ambiance poétique et féérique. Le sapin de l’entrée est fleuri de petits sucres d’orge et à ses pieds s’étale une grande crèche ancienne, tout un village avec des maisons blotties les unes comme les autres, de minuscules moutons cotonneux et des santons représentant tous les métiers. On a envie de le visiter et je m’attarde un instant à l’admirer. 

Je me demande un moment si Victor est en train de me faire le coup de la panne le plus alambiqué de l’histoire, mais ça me paraît vraiment peu probable. Je sens que je ne l’intéresse pas le moins du monde, pas de cette façon, même si notre cohabitation se passe mieux que prévu. Et puis, il précise immédiatement à l’accueil de l’hôtel que nous avons besoin de chambres séparées, et il a l’air soulagé quand la réceptionniste nous en dégote effectivement deux. 

Dehors, la neige tombe à gros flocons, et il est presque impossible, dans l’obscurité et les rafales tourbillonnantes dont le blanc et le noir se mélangent, de distinguer les environs. C’est comme si hors de l’hôtel, il n’y avait plus rien.

Victor s’empare de sa clef et s’éloigne avec son sac pour prendre possession de sa chambre. Je fais de même, adressant un sourire reconnaissant à l’hôtesse lorsqu’il commence à parler dans son téléphone sans même avoir pris congé. Certes il l’a remerciée, mais il y a quelque chose de vraiment froid et condescendant dans ses manières, et ce n’est pas la première fois que cela me gêne. Ça ne cadre pas vraiment avec le type que j’ai appris à connaître un tout petit peu mieux au cours de ce trajet en voiture. Je ne crois plus vraiment qu’il se barricade par mépris, mais il entre probablement une part d’éducation dans cette façon qu’il a de dresser un mur entre lui et le monde qui l’entoure. Je n’arrive pas trop à me défaire de cette impression qu’il ne prend pas vraiment en compte les petites gens, que pour lui, nous sommes un détail de son environnement, et puis c’est tout. 

Ma chambre est au premier. Elle est vraiment jolie dans le genre suranné, avec un grand lit très haut en bois sombre sculpté, une salle de bain vieillotte et des lampes à abat-jour un peu partout. J’apprécie ce confort un peu branlant, à la fois distant et accueillant, qui est caractéristique des vieilles demeures. Je me demande si c’est le genre d’atmosphère que l’on trouve au Bourg, dans le château de Victor. Est-ce qu’il y a des armures dans la demeure familiale, des armoiries ? Une collection d’épées médiévales ? 

Je laisse mon sac dans un coin et j’ôte l’élastique qui tire mes cheveux comme pas permis. Aaaah. Libérer mon crâne de ce joug est un soulagement délicieux. La tête en bas, je détache mes racines en passant mes doigts dans mes cheveux et en gémissant de plaisir. Quand je reviens en position verticale, j’ai l’air d’une dingue avec ce nuage vaporeux tout autour de la tête. Je me souris dans la porte miroir de l’armoire qui occupe tout un mur de la chambre. 

Il est encore tôt et j’hésite à me faire couler un bain moussant quand on toque à ma porte. J’ouvre, et je trouve Victor sur le seuil. Ses yeux s’arrondissent et il m’observe avec une curiosité telle que je me sens aussitôt prise en défaut. 

— Quoi ?

Je suis peut-être un peu plus brusque et directe que nécessaire, mais je n’ai pas trop aimé son attitude à l’accueil. C’est sûrement pour ça que j’ai instinctivement rétabli les distances. Je ne sais pas trop sur quel pied danser avec ce type. Une seule chose est sûre, on n’appartient pas à la même sphère, et nos chemins vont se séparer bientôt. Je résous de lui rembourser la chambre dès que possible.

Il toussote.

— C’est trop tôt pour dormir et j’exècre la télévision. Tu veux descendre prendre un verre ? Si tu n’as pas mieux à faire, bien sûr. 

Il me demande si je veux bien être sa distraction pour s’éviter la télévision. C’est un compliment emballé dans une insulte, ou bien peut-être le contraire. 

Je lance un regard en direction de la baignoire à pied qui me fait de l’œil. Je n’ai pas de baignoire chez moi et les occasions de bain moussant sont rares. Là, par ce froid, c’est tentant. 

— S’il te plaît, dit Victor. Tu peux considérer ça comme la faveur que tu me dois. Un peu de compagnie.

Groumf. 

— C’est pas ça que j’appellerais une faveur, marmonné-je. Il va falloir trouver mieux que ça. Mais bon, va pour un verre. 

Qu’est-ce que j’y peux ? Je suis quand même curieuse. Et très sincèrement, je n’ai pas grand-chose d’autre à faire. Dans une heure, il sera encore trop tôt pour dormir, et la baignoire ne sera pas partie, même si elle a des pattes. 

Je prends la clef sur la commode près de la porte, j’attrape mon sac à main, et je suis Victor dans les couloirs à la moquette épaisse.

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