Douce imposture de Noël, chap. 9

Tous les jours du 1er au 25 décembre 2020, je publie ici sur mon blog un nouveau chapitre de ma romance de Noël. Elle est aussi disponible sur plusieurs sites (Amazon, Kobo, Apple Books…) 

Toutes les informations, ainsi que les chapitres précédents, en suivant ce lien.

VANESSA

Pour une fois, il n’y a pas d’insulte larvée dans sa réponse. Il ne dit pas « je viendrai chez toi si c’est trop horrible chez moi ». Il fait comme s’il avait vraiment envie de me voir, ce qui est plutôt agréable. Il ne viendra pas, j’en suis toujours convaincue, et sans doute est-ce le verre de vin qui m’a fait lancer à nouveau l’invitation, le verre de vin et la compassion, parce qu’on a tous eu des ruptures difficiles. 

— Bon, dis-je en bâillant, je vais aller me prendre ce bain moussant. J’apprécie ta compagnie, mais… bain moussant, quoi. 

Il hoche la tête d’un air compréhensif.

— Je vais me coucher. On essaye de ne pas partir trop tard demain ? Ça te va ?

*

Le lendemain, le soleil brille sur un paysage féérique, mais la route n’est pas encore déneigée et il gèle à pierre fendre. Pour nous faire patienter, la patronne de l’hôtel nous sert un petit-déjeuner de luxe en attendant que la situation se débloque. Heureusement, nous ne sommes pas trop loin de l’autoroute.

À la lumière du jour, j’ai l’impression que Victor est retourné à sa réserve initiale. Il se sert café après café, le visage fermé, l’expression maussade, et moi, instinctivement, je me tends, sur la défensive. 

— Tu as bien dormi ? demandé-je néanmoins, amicale. Tu devrais tester le pain d’épices aux écorces d’oranges confites, c’est une tuerie.

Il me répond à peine par un signe de tête, les lèvres pincées, et je me demande pourquoi je ferais un effort, si c’est pour me heurter à chaque fois à une porte de prison pareille. On peut tout à fait être à la fois canon et trop taciturne pour en tirer le moindre charme, et ce type en est la preuve.

Et puis, comme je beurre un toast avec des gestes décidés, son téléphone tinte à nouveau. Il consulte ses messages, et une expression de douleur et d’appréhension passe très rapidement sur son visage. À peine une microseconde, puis le masque de froideur impassible est de retour.

Ce qui lui arrive l’affecte vraiment, comprends-je alors. Non seulement il n’est peut-être pas du matin, mais en plus, il y a vraiment quelque chose qui ne va pas. Oui, il est naturellement distant et renfrogné, et non, avoir des problèmes ne vous autorise pas à vous comporter comme un malotru, mais pour être honnête, à aucun moment il ne s’est conduit comme un sale type. Ça a même été plutôt le contraire. Il a été un peu désagréable et lointain la plupart du temps, mais plutôt gentil, attentionné et sincère aux moments clefs de la conversation. En grattant un tout petit peu sous la surface, je me suis rendu compte qu’il y avait quelqu’un de décent là-dessous, et même, une personne dont la compagnie peut être plutôt facile et plaisante. 

Alors, je prends une bonne résolution. Je ne vais plus me laisser décontenancer par ses attitudes un peu frigorifiques. Je vais m’adresser directement à la personne qui est sous le permafrost. 

C’est ça.

— Qu’est-ce qu’il a fait, encore ? demandé-je en désignant le téléphone du menton. 

— Rien, soupire Victor. Enfin… Raymond m’a juste raconté son opération de séduction avec mes grands-parents. Ils adorent Irène tous les deux, apparemment. 

Je fais la grimace. Je ne sais pas si j’ai envie de me faire une opinion sur cette Irène. Est-ce qu’une personne un tant soit peu délicate n’aurait pas essayé de discuter de ces vacances au préalable avec Victor ? Ou bien elle ne se doute pas de l’effet qu’elle a produit sur lui ? 

Elle aussi, il faut peut-être lui accorder le bénéfice du doute. Pas que j’en aie quelque chose à faire. 

— Changeons de sujet, propose Victor. 

Et c’est une bonne idée, parce que dans les cinq minutes qui suivent, nous nous découvrons une passion commune pour les chèvres. C’est le truc le plus improbable qui soit. J’adore ces bestiaux qui sautent partout, grimpent sur n’importe quoi, et qui sont hyper affectueux quand on les connaît. 

— Il y en a deux à la ferme, dis-je. Heckel et Jeckel.

— Ce ne sont pas des prénoms de corbeaux de dessin animé, à la base ? 

— Si. Mais leur pelage est noir et elles passent leur vie dans les arbres, alors, c’était un choix pertinent. Je les adore. Et au château ? Vous avez des chèvres ? 

Il fait la grimace. 

— Non. Ce n’est pas vraiment le genre de la maison. 

— Dommage. C’est chouette, les animaux. 

— Oh, on a des animaux : des chevaux, et des chiens. 

— Quoi, c’est le trip gentleman farmer, chasse à courre et compagnie ?

— Non. Dieu nous en garde. Et puis quoi encore ? On n’est pas au dix-neuvième siècle en Angleterre. Non, les chiens chassent, et les chevaux courent. Mon grand-père les adore, même s’il ne les sort plus beaucoup lui-même à son âge. Et toi, tu montes à cheval ?

— Euh, non. Enfin, je suis déjà montée sur un cheval, mais je ne suis pas sûre que ça compte comme une réelle expérience d’équitation. C’était à l’occasion d’un après-midi d’initiation, en colo, quand j’étais petite. J’ai eu la peur de ma vie et je me suis juré de ne jamais recommencer. 

— Dommage. Tu devrais peut-être réessayer. 

— Peut-être. Pas sûr.

Vers midi, la route est enfin dégagée et nous repartons. La campagne est toute blanche et il fait très froid. Non seulement la neige va tenir, mais on annonce de nouvelles chutes pour cet après-midi.

Le chapitre suivant est déjà en ligne ! Et toutes les informations sur le livre et liens d’achat sont là.

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