Douce imposture de Noël, chap. 17
Tous les jours du 1er au 25 décembre 2020, je publie ici sur mon blog un nouveau chapitre de ma romance de Noël. Elle est aussi disponible sur plusieurs sites (Amazon, Kobo, Apple Books…) Pour accéder aux chapitres précédents et à toutes les infos sur le livre, c’est ici.
VICTOR
Après le froid du dehors, l’air chaud de l’entrée nous pique les joues et je prends conscience du fait que je suis totalement trempé, des pieds à la tête. Raymond et Nina ont déclaré forfait il y a déjà quelques minutes, mais Vanessa a eu plus de mal à dégriser après la folie de notre bataille de neige, si bien que j’ai dû les fatiguer encore un peu, Baloo et elle, en les faisant courir dans le parc. J’en ai profité pour lui montrer les écuries, les différents bâtiments.
Il y a cinq minutes, elle s’est enfin déclarée calmée, et nous voici de retour à l’intérieur du Bourg.
— Les bottes que j’ai volées sont trempées, se désole-t-elle en se déchaussant tant bien que mal, appuyée contre le mur.
Si elle est dans le même état que moi, ses bottes ne sont pas les seules. Elle n’avait pas la chance de porter un pantalon comme moi, et elle doit être complètement frigorifiée à l’heure qu’il est.
Zut.
— Enlève tout ce qui est mouillé, d’accord ?
Elle pouffe et me regarde d’un air amusé.
— Si c’est une stratégie pour que je me mette à poil, elle n’est pas très subtile.
C’est bien ce que je craignais.
— Viens, décidé-je quand nous sommes déchaussés et que j’ai disposé nos manteaux, gants et bonnets sur les radiateurs de l’entrée. On va voir si Nina a d’autres vêtements à te prêter.
— Oh, je ne voudrais pas abuser, proteste Vanessa.
— Je n’ai que faire d’une présence amicale avec une infection pulmonaire, indiqué-je. On va devoir te trouver des fringues sèches. Viens. Suis-moi.
Quand nous nous rendons compte que nous laissons des traînées mouillées dans les halls, je retire mes chaussettes et elle se contorsionne pour enlever son collant qui est, de toute façon, complètement fichu, la faute à Baloo et à ses coups de griffes enthousiastes.
— Il t’a blessée ? demandé-je, contrarié.
Elle lève vers moi un visage hilare.
— Ça valait carrément le coup, estime-t-elle.
Je lui souris en retour. Ses joues sont roses et son mascara a tellement coulé qu’il n’est plus qu’un lointain souvenir.
— C’est vrai, acquiescé-je. Meilleure baston de la décennie.
Elle soupire.
— J’adore la neige. On a vraiment de la chance cette année. Je pourrais vivre dans le Grand Nord, avec une demi-douzaine de chiens de traîneaux.
J’essaye de me la représenter en manteau et toque de fourrure, ses cheveux aux vents. Son chignon s’est défait et des mèches s’échappent en tous sens de sa coiffure.
Nous nous arrêtons dans la première salle de bain qui se trouve sur notre route, celle du premier étage.
— Attends-moi là.
Elle pousse un cri d’horreur en voyant sa tête dans le miroir et je ricane. Dans un placard du couloir, je vais d’abord chercher des serviettes, les plus grandes et douces que je puisse trouver. Je les apporte à Vanessa.
— Tiens, enlève tous les trucs mouillés et sèche-toi. Je vais te chercher des habits secs chez Nina.
— Et toi ? s’inquiète-t-elle.
— Ne t’en fais pas pour moi. Prends une douche chaude si tu as besoin, n’hésite pas.
Je la laisse dans la salle de bain bien chauffée et je file dans les étages. Dans l’escalier je croise Lily qui me dévisage d’un air surpris et assez renfrogné, mais je ne m’arrête pas. Je commence à avoir froid.
Arrivé dans ma chambre, je me déshabille en vitesse, je m’étrille avec ma serviette et j’enfile en hâte un jean propre et un sweat-shirt de Noël, un cadeau de Ray de l’année dernière qui est particulièrement affreux avec son renne au nez rouge lumineux à pile, mais très épais et cotonneux. Une paire de grosses chaussettes, et je me sens mieux.
Puis je me lance à la recherche de Nina. Je toque à sa porte.
— Nina !
Pas de réponse. Je jurerais qu’il y a quelqu’un dans la chambre. Je frappe à nouveau.
— Nina !
— Va-t’en ! répond ma sœur. On est occupés !
— Aaaah ! m’écrié-je. Je ne veux pas le savoir.
Je m’enfuis tout en souriant : si tous les occupants du château tiennent à baiser comme des lapins pendant toutes les vacances, j’aime autant que ma sœur en profite aussi. Je sais qu’elle a eu une année épuisante avec ses mômes, en particulier les jumeaux, et qu’elle a mérité un peu de vacances. Les petits sont avec leur grand-mère. Ils rendent ma mère complètement gâteau.
Le seul souci, c’est que je n’ai pas de vêtements secs pour Vanessa. Je ne peux pas en emprunter à Lily : elle est plus grande, et maigre comme un clou. Et hors de question d’aller trouver Irène. Je frissonne, et rebrousse chemin vers ma chambre. Là, je sélectionne un T-shirt à manches courtes qui est un peu juste pour moi, un jogging et un grand pull chaud. C’est bien trop grand, mais ce sera mieux que rien, en attendant que Nina émerge.
Quand j’arrive à la porte de la salle de bain du premier où j’ai laissé Vanessa, la douche coule. Au même moment, ma tante Arielle descend le couloir avec un sourire ambigu.
— Bonne bataille de neige ? s’enquiert-elle sur un ton mielleux.
Décoder Arielle peut parfois s’avérer difficile. Là, j’ai l’impression qu’elle essaye de faire la paix, à sa façon détournée. Alors, je lui offre un sourire très mesuré.
— Excellente. On est rentrés trempés.
Elle indique d’un signe du menton les vêtements que vais prêter à Vanessa.
— C’est pour ton amie ?
— Oui.
— Tu ne crois pas qu’on pourrait lui trouver des fringues plus adaptées dans toute cette maison ? demande-t-elle en lorgnant mes habits d’un air sceptique. Ça a l’air sacrément tue-l’amour, ce que tu lui as déniché.
— Sûrement, en conviens-je, mais Nina est… occupée. On verra ça plus tard.
— Je vais m’en charger, décide Arielle, et elle file avant que j’aie pu l’arrêter.
Je m’assieds sur une chaise dans le couloir en attendant que Vanessa en ait fini avec sa douche. J’ai encore froid, mes cheveux sont toujours mouillés, et je commence à former des projets de thé bouillant, voire même de chocolat chaud.
Arielle revient au moment même où le bruit de la douche s’arrête dans la petite salle de bain. Elle est suivie d’Irène qui s’avance avec grâce, les bras chargés d’étoffes.
Arielle est allée demander des fringues à Irène. Des trucs beiges et vieux rose et gris perle qui n’iront jamais à Vanessa. Je suis sûre qu’elles en sont conscientes. Il faut que je les grille de vitesse.
Je me mets debout, je toque à la porte en espérant que Vanessa sera visible, et j’entre dans la salle de bain sans lui demander son avis.
Elle pousse un glapissement et manque de se casser la figure. Elle a noué une serviette autour de sa tête et elle était visiblement en train de se sécher les pieds. Elle se couvre en hâte l’avant du corps avec sa grande serviette, mais elle est debout devant le miroir. D’ici je bénéficie involontairement d’une vue imprenable sur son côté pile, et j’ai un peu de mal à faire abstraction de cette réalité.
Les informations affluent en désordre à mon cerveau. Vanessa est fine et musclée, avec une peau veloutée qui me fascine, une taille fine et des fesses rondes. Elle est aux antipodes de tout ce que j’ai toujours recherché : j’ai toujours été un abonné des blondes vaporeuses et translucides. Physiquement, Irène est conforme au portrait-robot de ma femme idéale. Ça ne veut pas dire que je ne peux pas apprécier la beauté de Vanessa quand elle s’étale sous mon nez.
Prenant conscience de mon indiscrétion, je détourne les yeux du miroir au moment où Vanessa se tourne pour suivre mon regard. Elle comprend son erreur, et s’enroule dans l’immense serviette en rosissant.
— Pardon, dis-je en m’éclaircissant la voix. Mais Irène est dans le couloir et elle va insister pour te prêter des fringues. Nina n’était pas disponible… alors je t’ai apporté des trucs à moi. J’ai pensé que ce serait préférable. J’espère que ça ira.
Vanessa acquiesce, s’empare de mon T-shirt et du reste au moment où Arielle toque à la porte.
— Hou hou, les amoureux, vous êtes visibles ? On a des vêtements secs pour Vanessa.
— C’est gentil, réponds-je sans ouvrir, mais on a ce qu’il faut. Elle est en train de s’habiller.
Je me retourne pour que Vanessa puisse se changer tranquille. Je ne vais pas sortir maintenant, ce serait étrange.
Derrière moi, j’entends le bruit d’une serviette éponge qui choit et un froissement de coton pendant que Vanessa se débat avec les vêtements trop grands, sautille pour éviter de se casser la figure. J’imagine son derrière qui pointe pendant qu’elle se glisse dans mes jambes de jogging démesurément longues. Puis je me reprends immédiatement. On ne nourrit pas ce genre de pensée vis-à-vis de ses présences amicales, si ? C’est ma curiosité qui parle.
On frappe à nouveau à la porte, plus fort cette fois.
— J’ai apporté plein d’habits pour Vanessa. Tu peux remballer tes affaires, Victor.
C’est la voix d’Irène. Je me fige, soudain tendu. Sa voix fait quelque chose à mon cerveau, quelque chose de pas net du tout. C’est bien plus fort que tout le reste, et ça balaye tout ce qui flottait encore dans mon esprit à l’instant — la bataille de boules de neige, la fatigue satisfaite, les rires, l’image de Vanessa dans le miroir. Tout à coup, l’intégralité de mon énergie est consacrée à lutter contre cette voix qui se fraye un passage jusqu’à mes cellules. Je suis bien obligé de noter la jouissance coupable qu’elle me procure, parce que c’est impossible de faire l’impasse dessus. Irène n’a rien perdu de son emprise sur moi, pensé-je avec frayeur. Rien du tout.
— J’ai encore mis quinze fois trop de fringues dans ma valise, explique-t-elle à travers la porte. Alors vraiment, ça ne me dérange pas du tout.
Comme si c’était ça le problème à la base, dans le fait que mon ex fasse des pieds et des mains pour relooker à son image ma petite amie officielle actuelle.
La poignée de la porte tourne et sans nous demander notre avis, Irène entre à son tour dans la petite salle de bain, saturant l’espace. Vanessa pousse un nouveau petit cri et je recule d’un pas en me prenant la présence d’Irène en pleine figure, bien trop proche.
Il me faut une autre seconde avant de me décaler pour faire barrage de mon corps entre les deux femmes.
Nous sommes bien trop nombreux dans cette salle de bain soudain envahie par le parfum d’Irène, une essence précieuse, raffinée, avec une note obstinée. Je sens mes narines frémir, et mon corps se tendre encore plus, tandis que des images m’assaillent, hors de propos. Sous son parfum, je perçois l’odeur unique de son corps et je déglutis un sentiment mêlé, confus, de désir et de panique.
Le regard d’Irène tombe sur moi, le dos tourné à Vanessa qui termine sans doute de s’habiller. Une lueur étrange passe dans les grands yeux d’Irène — une interrogation moqueuse. Que lit-elle dans cette situation ? Elle ne peut quand même pas deviner, juste en nous voyant, que je me suis détourné de Vanessa pour ne pas la voir nue, si ? Et que c’est sur elle, Irène, que mes yeux sont englués ? Je décide que non, que je dois continuer à soutenir notre mensonge, à Vanessa et moi. Parce que c’est la seule solution possible si je veux avoir une chance d’échapper à l’afflux d’images qui m’envahit — Irène nue dans mes bras, Irène se coiffant pour sortir sans moi, Irène déclarant qu’elle n’éprouve plus rien pour moi mais qu’on peut rester amis, coucher ensemble de temps en temps.
Le sourire d’Irène s’agrandit et elle me contourne, souple et rapide, pour atteindre Vanessa.
— Tiens, lui dit-elle, amicale, je t’ai apporté des habits. Ce sera toujours mieux que les sapes de Victor qui sont sûrement douze fois trop grandes.
Enfin, je me retourne vers elles. Vanessa a terminé de mettre mon jogging et mon T-shirt. Ils sont effectivement dix fois trop grands. Le T-shirt, un peu informe, il faut admettre, lui arrive à mi-cuisses, et les manches lui descendent jusqu’aux coudes. Elle a fait plusieurs revers sur une des jambes de pantalon, et maintenant, l’air un peu ridicule comme ça, avec sa serviette enroulée sur la tête, elle regarde d’un air suspicieux la minuscule robe beige qu’Irène brandit triomphalement sous son nez.
— C’est gentil, dit Vanessa, mais je vais me cailler avec ton truc.
— Avec le pantalon de jogging de Victor, tu vas te prendre les pieds dans le grand escalier et dévaler les marches avant de te fracasser le crâne en bas, rétorque Irène.
Ça sonne presque comme une menace.
Vanessa semble prendre une décision.
— Merci, dit-elle avec une gratitude un peu forcée, en s’emparant de la petite robe beige. Merci infiniment.
Irène semble un instant décontenancée, puis elle se rend compte qu’elle est bien obligée de battre en retraite.
— De rien, murmure-t-elle en adressant à Vanessa un regard étrange.
Car il est évident pour toutes les personnes présentes que Vanessa n’a pas la moindre intention de revêtir la minirobe beige.
— C’est très généreux de ta part, conclut cette dernière sur un ton extrêmement faux cul, avant de se détourner pour faire face au miroir, signifiant par là à Irène son congé.
Irène se retire. Moi, je fixe Vanessa en me sentant complètement perdu, tandis qu’elle porte les mains à sa serviette.
— Ça va ? demande-t-elle en me jetant un coup d’œil dans le miroir.
Je secoue la tête.
— Elle ne peut pas te manger tant que je suis là, rappelle Vanessa.
J’acquiesce, toujours incapable de prononcer un mot.
— Méfie-toi, ajoute Vanessa. C’est le genre de fille à jeter son dévolu sur ce qu’elle ne peut pas avoir.
Elle a raison.
— Je vais me coiffer, maintenant, dit Vanessa. Tu veux rester ?
Elle propose gentiment, mais j’ai le sentiment qu’elle préférerait terminer sa toilette toute seule. Alors, je me ressaisis.
— Je vais nous dégoter des chocolats chauds. Ça te dit ?
Son sourire dans la glace est franc et ravi.
— Et comment !
Je lui indique le chemin de la cuisine.
— Rejoins-moi là-bas quand tu as fini. Tu peux laisser les serviettes sur le radiateur.
Quand je sors, heureusement, Irène et Arielle sont parties.
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