Obsession (Les âmes enchaînées t.1) : Chapitre 8
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Et voici le chapitre du jour…
8. LOUIS
« Je m’attendais à quelque chose de plus spectaculaire », a-t-elle dit. Avant de sommer tout bonnement les esprits de se manifester et d’entamer un compte à rebours.
— Dix… neuf…
Elle a collé un ultimatum à un fantôme. Elle est dingue. J’ai rarement vu cliente aussi arrogante, butée et impatiente. Et elle me considère toujours comme un imposteur. J’ai envie de lui attraper les épaules à deux mains et de la secouer jusqu’à ce qu’elle daigne ouvrir les yeux et percuter ce que j’essaye de lui montrer.
— Huit… sept…
Attends, en fait, je n’ai pas envie de la secouer. J’ai envie de lui fermer son clapet, de prendre ses lèvres d’assaut et de lui arracher autre chose que ces fichues paroles censées, cartésiennes et logiques.
— Six… cinq…
J’ai envie de voir son côté animal.
— Quatre… trois… deux…
Sauf que je suis un type bien élevé, et qu’on m’a appris que c’était mal venu de tenter de clouer le bec à une femme avec un baiser.
— Un !
Alors, je suis plutôt étonné quand c’est elle qui me saute dessus.
Elle est compacte, lourde, solide, chaude. Le contact envoie à mon système nerveux une explosion d’informations dont mon corps ne sait plus quoi faire — il réagit comme il peut à cet excès de sensations.
L’idée de libérer la bête sauvage en Jeanne me faisait fantasmer il y a un instant, et voilà que c’est elle qui me transforme en créature féroce. Ses mains se sont enfouies dans mes cheveux et moi, je m’empare de sa taille, je la serre et je la malaxe contre moi comme pour me fondre dans sa masse. Puisqu’elle a décidé qu’on ne s’embarrasserait pas de politesses, je n’y mets pas tellement les formes quand j’entreprends de devenir intime avec ce postérieur généreux qui m’obsède depuis tout à l’heure. Mon approche possessive, limite brutale, arrache à Jeanne un grognement tandis qu’elle se colle encore plus contre moi. Si elle continue à m’embrasser comme ça, je vais jouir dans mon pantalon.
Je soulève sa chemise de bûcheron qui ne devrait pas me sembler aussi sexy. Sous le pilou-pilou, sa peau est si brûlante et douce que j’en perds le nord, je caresse son ventre à la recherche de son soutif.
Elle ne porte pas de soutif. Je gémis dans sa bouche et elle m’assaille de plus belle.
Une main glaciale se glisse sous mon T-shirt. Le contraste entre sa peau chaude et ses doigts froids fait encore grossir mon érection, si je ne plonge pas en elle dans la demi-seconde je ne réponds plus de rien. J’ai envie de la réchauffer, de la prendre contre moi, de m’imprimer dans ses chairs, de la faire changer d’avis.
Elle me griffe les omoplates, me tire les cheveux, attrape le devant de ma ceinture pour la dégrafer et le contact de sa main chaude contre mon bas-ventre envoie des éclairs noirs zébrer mon champ de vision lorsque le peu de sang qui restait dans mon cerveau décide de migrer vers le sud…
Attends une minute.
Je me raidis, mon cœur s’arrête.
À qui appartient cette paume gelée qui flirte avec mes dorsaux ?
Je dessaoule d’un seul coup et romps le baiser, me reculant de deux bons mètres. La caresse dans mon dos se prolonge un instant avant de s’estomper, cependant que je dévisage Jeanne, horrifié.
Et merde.
Jeanne est évidemment perplexe, je la vois déjà osciller entre la colère et la confusion.
— Qu’est-ce qu’il y a ?
Mon cœur bat à toute allure, j’ai le souffle court, et pas seulement à cause du baiser que nous venons d’échanger.
Je déglutis, je me recule encore en trébuchant.
Elle me considère, un sourcil dressé en accent circonflexe.
J’hésite une demi-seconde. Il faut que j’arrive à lui expliquer… dans tous les cas, je suis obligé de lui dire la vérité. Au moment où elle franchit mes lèvres, je me rends compte combien elle est peu crédible.
— Il y avait quelqu’un d’autre avec nous dans ce baiser.
Ça fait vraiment médium de télévision. Mais bon dieu, je n’ai jamais éprouvé le contact d’une présence paranormale de façon aussi concrète, physique et rapprochée. Je viens de me faire tripoter par un fantôme.
— Quoi ?!
Je n’ai pas le choix maintenant, il faut que je développe mon explication, et tant pis si j’ai l’air bête. Ce n’est pas la première fois que je me heurte à une sceptique. Mais là, avec cette charge de désir que je sens encore malgré le choc, c’est particulièrement douloureux de m’en tenir à ma vérité et de renoncer à ce moment que nous venons de partager.
— J’ai reçu à l’instant des caresses d’une tierce personne, dis-je avec la très nette impression de me tirer dans le pied avec un fusil de chasse au sanglier.
— Tu veux dire, un fantôme ?
Je vois bien sûr son visage qu’elle hésite entre partir en courant, rire aux éclats et me prendre en pitié. Elle doit penser que je suis fou. Pourtant, j’aimerais tellement qu’elle me comprenne.
— Tu as réveillé quelque chose, dis-je. Tu m’as embrassé, et ça a produit un effet sur la, euh, la présence locale.
— Aha, répond-elle. Mais pourquoi est-ce que je n’ai rien senti du tout ?
À mon tour de hausser un sourcil narquois.
Elle se reprend en rougissant :
— Je veux dire, pourquoi est-ce que moi, aucun esprit n’est venu me toucher ?
Je lève les épaules.
— Je suis plus réceptif que toi à leur existence.
Elle rit, d’un rire triste qui manque vraiment de chaleur :
— C’est l’euphémisme de la semaine.
Et nous revoilà à la case départ. Alors que minuit approche et que la situation m’échappe, je suis toujours seul à sentir un danger qui nous guette.
Je me passe une main sur la figure. Les esprits qui se baladent ici peuvent me toucher, avoir une influence tangible sur mon corps. Cette idée me fait froid dans le dos.
Réfléchis bien Louis, réfléchis. Comment vas-tu faire pour que cette tête de pioche consente à t’accorder au moins le bénéfice du doute ?
Tu sais très bien ce qu’il te reste à faire. Il faut lui parler des rêves. Ça passe ou ça casse, il n’y a pas d’autre solution.
Je m’éclaircis la gorge.
— Écoute, Jeanne, il faut que je te raconte des choses un peu personnelles qui vont peut-être te sembler bizarres. Moi aussi je rêve de ce château.
Je n’ai pas plus tôt prononcé ces paroles qu’un poids quitte mes épaules. Cette sensation, même fugace, me donne envie de continuer, de tout déballer, et tant pis si c’est une erreur.
— J’en rêve toutes les nuits, dis-je. J’en rêve au point que cela m’empêche de dormir, que je redoute tous les soirs le moment de poser ma tête sur l’oreiller.
À l’expression de son visage, je comprends que cela lui parle. Je suis sûr qu’elle rêve, elle aussi. Cette idée m’enivre. Et si je n’étais pas seul ? Je continue mon histoire. De toute façon, même si je voulais m’arrêter, je ne pourrai plus.
— Il y a une femme dans certains de mes rêves. Nous sommes très proches, nous sommes amants. Les rêves varient quelque peu d’une nuit à l’autre, mais la plupart d’entre eux ne s’écartent guère d’un scénario commun : elle part, elle va me quitter pour toujours. Et moi, je la supplie de rester. Par tous les moyens.
Je verrouille mon esprit, je fais le vide, j’essaye de m’en tenir à un résumé sobre qui n’horrifiera pas trop — je l’espère encore — mon interlocutrice.
— Les rêves sont tous différents, ils mélangent plusieurs époques, et la femme en face de moi c’est… comme dans le poème de Verlaine. À chaque fois, ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre.
Les yeux de Jeanne sont rivés aux miens, écarquillés par une expression que j’ai du mal à déchiffrer. Elle a vraiment des yeux immenses, et si sombres. En cet instant, elle me fait penser à une biche, à un animal doux de la forêt, c’est tellement peu caractéristique de la personnalité de cochon fonceur qu’elle m’a laissée voir depuis tout à l’heure que j’ai envie de m’approcher et de la prendre dans mes bras. Mais il faut que je raconte mon histoire jusqu’à la fin. Je ferme les yeux.
— Et cette femme, dans mes rêves, j’ai l’impression que c’est toi.
Je m’arrête avant de lui en dire plus, mais les détails précis sont gravés très profondément dans mon esprit. Elle veut partir et moi, je l’en empêche, physiquement. Je la retiens de toutes mes forces, je la prends dans mes bras, je la serre contre moi. Je serais incapable de lui faire du mal, mais elle est solide et elle lutte, et moi, je me débats aussi pour défendre mon point de vue. Je suis terrorisé à l’idée qu’elle me quitte. J’essaye désespérément de la convaincre, de garder le contact avec son esprit et avec son corps. Pour les besoins de la démonstration je n’hésite pas à la plaquer contre un mur, ici même à Vauvey, à retrousser ses jupes et envahir sa bouche. Quand elle me supplie à la fois de la laisser s’en aller et de la baiser, je ne me fais pas prier, et nous poursuivons notre corps à corps comme cela, debout et tous habillés. Elle aspire à de nouveaux horizons et moi, je veux la garder au château, c’est comme si je tentais de l’emmurer dans la pierre à la seule force de mon désir pour qu’elle ne puisse jamais me quitter. Quand nous jouissons, nous partons en éclats. Il me faut un temps infini pour retrouver mes sens, et lorsque je reviens à moi, elle a disparu.
Le souvenir cherche à se prolonger, mais je l’en empêche. Ce qui suit naturellement la rupture dans mes rêves, je ne l’évoque jamais à l’état éveillé.
La suite demain ! Ou bien ici.
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