Obsession : Chapitre 13
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Et voici le chapitre du jour…
13. JEANNE
Je soulève son bras qui pèse une tonne, je me roule pour me libérer de sa chaleur. Il s’est endormi et ne bronche même pas. Il sent extrêmement bon, c’est presque indécent la sensualité de cette odeur à présent que sa peau s’est réchauffée. Je le respire discrètement, puis je finis tant bien que mal de me dégager. Mes précautions sont bien inutiles, il est inconscient.
Il me faut un moment pour me lever. J’ai l’impression que je viens de subir un passage à tabac. J’ai envie de me rendormir sur son épaule, mais je ne suis pas le genre de nana à se pelotonner contre sa dernière conquête en soupirant d’amour transi. Par ailleurs, j’ai une vessie qui m’appelle très fort.
Je mets quelques vêtements un peu au hasard, déplore la disparition temporaire de ma culotte et de mes boots. J’attrape mon téléphone et lance une appli qui fait lampe de poche. Je peste à la perspective de devoir monter jusqu’au second en chaussettes.
Il fait très froid loin du feu et je suis contente d’avoir pris deux pulls. Marcher me pose un problème, comme si je descendais de cheval. Cette idée me fait rougir : l’idée qu’il ait pu marquer mon corps et me changer. Je fronce les sourcils. L’heure est venue de me mettre moi-même en garde. Je suis une femme libre et indépendante qui vient de baiser dans un château désert en plein mois de février et qui cherche les toilettes. Rien de romantique dans tout cela. Aborde la situation comme le ferait un mec.
Mon esprit s’affaire pour cheminer sans encombre dans le couloir glacial et sombre, mais une pensée refuse de se taire. Oh. Oh. Cet homme au creux de mes reins. Celui-là. C’est lui que je veux. Est-ce qu’on peut en avoir encore ?
Mon téléphone émet un bref carillon. Un SMS d’Alexia. Alors, il tient ses promesses le bellâtre de campagne ? Et les fantômes, ils sont au rendez-vous ?
Je m’arrête par défi pour composer une réponse. Oui… si par « fantômes » tu veux dire « panard spectaculaire ».
La réaction ne tarde pas : Squeeee ! Profite bien.
Je souris.
Bêtement.
Je cesse de sourire et reprends mon parcours d’obstacles vers la salle d’eau. Je finis par atteindre l’escalier et le gravir jusqu’au second. Je tends l’oreille, à l’affût d’un bruit à l’autre bout de la rangée de placards honnie, mais je n’entends que le bourdonnement de mon sang et de mes hormones. J’irai faire un tour tout à l’heure. D’abord les toilettes.
Tu vois, me dis-je, vider sa vessie, c’est au moins aussi jouissif que ce que tu viens de faire avec le « bellâtre de campagne ».
Le moindre atome de mon corps crie au mensonge et à la supercherie. Je soupire.
OK, c’était vraiment un pied fantastique, une expérience transformante, et pour l’instant je ne sais pas bien comment je vais faire pour m’en remettre. Mais je considérerai sûrement les choses sous un autre angle dans cinq, dix minutes. Patience. D’ailleurs, je suis une fille indépendante et libérée. Je vais aller m’en faire servir plus. Je vais le réveiller et le harceler à nouveau, on verra bien ce qui arrivera.
J’échange encore quelques SMS avec Alexia, histoire de conserver la tête froide. Je lui raconte le château, son confort moderne, sa gardienne incompétente.
Ensuite, comme je n’ai toujours pas réussi à me sortir Louis Destel de l’esprit, je consulte mes mails professionnels. L’équipe de production signale, à son habitude, que tout vient d’exploser mais que la situation est plus ou moins sous contrôle. Je formule à mes geeks les quelques questions et consignes militaires qui s’imposent, histoire de pouvoir répondre de leurs initiatives si le client me tombe dessus au petit matin.
Puis je réalise que je suis à moitié débraillée dans les toilettes chuintantes d’un château du douzième siècle, en train de bosser en loucedé un samedi soir. Je me rhabille et me prépare à redescendre.
En sortant de la pièce d’eau, je me dirige vers l’endroit où j’ai entendu la berceuse tout à l’heure. Je me campe au centre de la chambre de bonne et je ralentis ma respiration, tous les sens aux aguets. Mais au bout de quelques minutes, je baisse les bras. Il n’y a rien d’autre ici que le froid, le silence et le clair de lune qui éclaire la poussière.
Je redescends par l’escalier sud. Au premier, je m’immobilise, surprise. J’ai aperçu de la lumière dans la chambre du maître de maison. Curieux. En avançant de quelques pas, je comprends que la lueur vacillante n’est pas celle d’une ampoule électrique mais plutôt celle d’une lanterne, d’une bougie ou d’un feu de cheminée. Je m’approche encore quand un petit rire étouffé m’arrête net. Il y a quelqu’un. J’entends même deux voix : un homme et une femme échangent des paroles murmurées et de gloussements brefs.
Comme c’est bizarre.
Étant chez moi, j’éprouve une curiosité légitime à l’endroit de ce qui se passe nuitamment dans ce logis du château qui est censé demeurer inoccupé. Je m’avance sur la pointe des pieds, silencieuse — jusqu’au moment où je trébuche sur une dalle irrégulière. J’étouffe un cri et me rétablis de justesse devant la porte entrebâillée. Je risque un œil à l’intérieur et en lâche presque mon téléphone.
La pièce est éclairée par plusieurs dizaines de bougies, il y en a partout, sur le sol, sur le rebord de la fenêtre par laquelle brille un croissant de lune, sur les meubles.
D’où viennent donc ce petit ensemble de fauteuils Renaissance, ces tapisseries aux couleurs vives, ce lit à baldaquin drapé de velours moirés ? C’est exactement ainsi que j’aurais décoré cette chambre, ne puis-je m’empêcher de noter.
Je repère d’un coup d’œil la perruque sur le dossier d’une chaise, les vêtements épars sur le parquet qui luit doucement à la lumière des chandelles. Mais ce qui attire mon attention, évidemment, c’est le couple qui s’ébat, insouciant, dans le lit, sous mon toit. Ils sont franchement réchauffés, car il règne ici un froid plus que glacial.
Je ne vois pas leurs visages. Elle, de longs cheveux blancs dénoués jusqu’au creux de ses reins, est assise sur lui, il est couché sur le dos et le haut de son corps se perd dans l’ombre des rideaux.
Impossible de se méprendre, cette femme qui baise dans mon château, avec sa surprenante carnation si claire et sa silhouette de sylphide, ne peut être que la gardienne Isaure. Je suis à vrai dire plus choquée par l’ameublement de cette pièce que j’ai vue totalement vide quelques heures plus tôt. Sans ce mystère, j’aurais déjà tourné les talons : les hivers doivent être interminables et solitaires à Vauvey, et elle a bien le droit de s’amuser et de chercher à se réchauffer un peu. Mais je voudrais bien comprendre le sens de cette mise en scène.
Est-ce une reconstitution historique, avec des petits plus si affinités ? Mon château sert-il de QG à une entreprise de prostitution d’époque (si ça existe) ? Ou bien un club très spécial qui se réunit et fait semblant d’être encore au dix-septième siècle ? Je suis tout de même obligée de tirer cela au clair. Je reste derrière la porte, silencieuse et perplexe. Les souvenirs tout récents de mes propres ébats avec Louis n’en demandaient pas tant pour émerger à nouveau.
Les soupirs se font de plus en plus intenses, Isaure n’y va pas avec le dos de la cuiller. Elle chante de manière totalement impudique. L’homme sous elle se met lui aussi à lancer des cris quasi animaux. Et déjà ils ont fini, il la fait rouler sur le côté avec un rire et se redresse pour un baiser. Je vois son visage, son sourire, ses cheveux.
C’est Louis.
Il me faut un moment pour me remettre du choc et c’est suffisant pour me perdre dans le dédale des couloirs.
La suite demain ! Ou bien ici.
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