Obsession : Chapitre 11

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Et voici le chapitre du jour…

11. LOUIS

Je viens d’avoir la peur de ma vie. C’est la première fois que je vois un esprit tenter, sous mes yeux, de s’emparer d’une personne encore consciente. Je ne pensais même pas que c’était possible. Et cette voix que Jeanne a employée, il m’a semblé la reconnaître. Elle a fait vibrer mes os jusqu’à la moelle. Elle s’est fichée droit dans mon cœur. En ajoutant l’excitation et la trouille qui m’ont mis dans un drôle d’état second, et je ne suis certainement pas impartial. Je me doutais que la mission exigerait beaucoup de moi. Je savais que ce serait trop personnel pour être vraiment confortable, mais c’est pire que ce que j’imaginais. Je ne peux pas faire mon travail. 

Certes, ce n’est pas comme s’il existait un code déontologique des médiums. Mais j’ai eu le temps d’élaborer quelques règles de base, une sorte de bon sens paysan appliqué à l’exercice des professions occultes. Premièrement, ne jamais forcer le client à croire quoi que ce soit. Déjà pas facile. Deuxièmement, je me suis toujours dit que le jour où je tomberais sur un problème surnaturel qui me frappe de trop près, je ferais tout pour ne pas y entraîner de tiers. Et voilà, nous y sommes. Cette fois, je fais définitivement partie du scénario. 

Je prends la décision qui s’impose. 

— On s’en va, dis-je.

— Quoi ? Comment ça ? 

— On plie bagage. J’en ai assez vu. Tout ça ne sent pas bon. Il ne faut pas rester. Rassemble tes affaires, on y va. On peut laisser ma voiture, et utiliser la tienne. 

À nouveau ces yeux de biche si sombres, et encore plus écarquillés que tout à l’heure quand je lui ai parlé de mon rêve. J’ai envie d’y plonger et de m’y perdre.   

D’accord, ce n’est pas le genre d’idée qui va m’aider. Bordel, mais qu’est-ce qui m’arrive ce soir ? Je bande pour ma cliente, je bande pour un spectre au seul son de sa voix… 

Jeanne croise les bras sur sa timide et charmante poitrine. 

— Non, ça ne va pas, non ? On ne va pas partir maintenant. On vient de commencer. On n’a pas affronté les démons. 

— J’espère bien que nous n’avons pas affaire à des démons, mais juste à de simples fantômes ! Et on n’est pas obligés de les affronter. Dans le cas présent, en fait, je le déconseille fortement. 

— Pourquoi ? 

— Ces esprits sont trop forts. Ils peuvent interagir physiquement avec nous. C’est plus dangereux que prévu.

— Voyons ce qui va arriver, dit-elle. Je veux rester.

Elle s’empare de son smartphone comme si de rien n’était. Elle va me rendre dingue. 

— Qu’est-ce que tu fais ? 

— Je poste sur Twitter que je viens d’être possédée par un fantôme. Tiens, je vais aussi mettre la photo du château que j’ai prise tout à l’heure. Cadrage pourri, photo floue et angle sinistre à souhait, ça fait une bonne histoire décalée pour un samedi soir, non ? 

— Et puis quoi encore ? Tu veux que je t’arrange un selfie avec un ectoplasme ? 

Elle ne répond pas, elle est en train de glousser toute seule en téléchargeant sa photo vers les réseaux sociaux. 

— Il n’est pas beau, mon château ? Mince, ça ne capte pas ici, j’avais oublié. 

Je n’arrive pas à lui faire comprendre que c’est sérieux. 

En même temps, il faut bien le reconnaître, ceux qui n’ont jamais été confrontés à l’occulte et au paranormal ont généralement besoin, pour s’adapter, de plus de temps que nous n’en avons pris. J’essaye de bien les préparer, mais là, j’ai été déconcentré. Jeanne Scarlatti m’a court-circuité dès la première seconde, et moi, au lieu de l’envoyer promener, j’ai tout de suite eu envie de la dépouiller de ces réflexes de pitbull pour déflorer la douceur qui doit se cacher sous toute cette agressivité. Oui, c’est ça, je veux lui arracher tous ses masques les uns après les autres, qu’elle soit nue et sans défense devant moi avec sa petite poitrine émouvante et son solide cul bien terrien et… 

Ah, merde, voilà que ça recommence. 

— S’il y a quelque chose qui cloche, dit Jeanne Scarlatti, avec sa bouche en cœur qui ne m’aide pas du tout à me concentrer sur la nécessité d’évacuer les lieux, je veux régler cette histoire une bonne fois pour toutes. Mais pour l’instant, je ne vois pas de raison de s’affoler. 

Je demande, incrédule : 

— Tu ne crois pas avoir été possédée par un esprit à l’instant ? 

— Non.

Elle est d’une mauvaise foi qui dépasse l’entendement. 

— Tu n’as pas eu le sentiment bizarre d’être un peu à côté de toi-même, par exemple de considérer toute cette situation avec un point de vue très légèrement étranger ? De faire des choses qui t’auront été inspirées par une force extérieure ?

Je la sens hésiter, puis elle répond d’une voix trop claire :

— Non, je ne vois pas ce que tu veux dire.

Et d’ouvrir de grands yeux innocents. Elle ne cédera pas. Elle veut vendre son château et elle niera l’évidence jusqu’au bout. Face à sa moue de Sainte-Nitouche, j’ai un mal fou à retenir le mélange de colère et de désir qui s’empare de moi. Je l’imagine très bien, avec ces yeux si expressifs, pendant que je…

OK, je suis vraiment en train de perdre toute cohérence. C’est la frustration de cette situation insensée. Alors que la présence des fantômes n’a jamais été aussi manifeste, et que ma cliente elle-même en a fait l’indéniable expérience, elle trouve encore moyen de refuser de m’écouter. C’est trop pour moi, mon esprit ne suit pas et a tendance à emprunter des chemins de traverse.

Ça fait tellement longtemps que je rêve de voir une autre âme me rejoindre à la marge du réel et partager un peu de ma solitude… j’en perds la boule, voilà, c’est tout. 

Et la proposition brûlante qu’elle vient de me faire, même si elle était sous influence, avec cette voix si incroyablement sexy, n’aide pas du tout. Elle prétend vraiment que les fantômes n’existent pas, qu’elle est restée maîtresse d’elle-même ? 

Tout à coup, j’ai bien envie de la prendre au mot. Je lui fais mon sourire le plus suave : 

— Donc toute la conversation que nous venons d’avoir, c’était sérieux ? 

— Je ne dirais pas que c’était sérieux, non.

— Mais c’est bien toi qui as parlé ? Tout ce qui est sorti de ta bouche, c’était bien ton idée ? Rien ni personne n’est venu jouer avec ton cerveau, embrouiller tes pensées ?

Elle est prise au piège de son propre mensonge et elle le sait. Elle reste immobile une seconde ou deux, puis acquiesce d’un petit signe de tête. Alors, stupide inconscient que je suis, au lieu de partir en courant et de sauver ma cliente avec moi, je lui saute dessus pour la dévorer toute crue. 

J’attrape ses deux mains et je les coince derrière son dos. Je lui roule une pelle comme on en voit sans doute beaucoup à Paris, mais personnellement, à Saint-Amand-le-Dun, je ne l’ai jamais pratiquée jusqu’ici. Ses genoux ploient et un bruit intéressant s’échappe de sa gorge, peut-être que même à Paris on ne lui fait pas des choses pareilles. 

Elle répond. Je sens sa langue qui agresse pratiquement la mienne, ses mains qui se sont libérées pour se planter dans mes cheveux, elle fait tout ce qu’elle peut pour détourner le baiser, pour en faire son baiser à elle, elle se racontera probablement que c’est elle qui a pris l’initiative. Mon corps s’émeut de cette contradiction. Je commence à vraiment souffrir dans mon jean.

Ses mains s’engouffrent sous mon T-shirt, sont partout contre moi, dans mon dos, sur mon torse. Cette fois, ça m’est parfaitement égal qu’un fantôme s’en mêle, ce n’est pas moi qui mettrai fin au corps à corps. Je m’abandonne à ses mains tandis qu’elle me tâte, m’évalue, me sonde, me griffe autant qu’elle me caresse. C’est comme si en dépit de son scepticisme affiché, elle avait envie de savoir, d’aller au fond du sujet, et cela génère chez moi un nouvel espoir de me faire comprendre qui me fait disjoncter.

La suite demain ! Ou bien ici.

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