Obsession : Chapitre 15

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Et voici le chapitre du jour…

15. JEANNE

Je fourre mes affaires éparses dans mon sac, je repère ma culotte qui gît près du feu et je m’en empare, mortifiée. Dire que je me suis littéralement ouverte devant ce type, que je lui ai donné à voir ce que j’ai de plus intime. Il s’est vraiment payé ma tête. 

— Aggh la vache ! Jeanne ! 

Il se tord sur le carrelage, c’est normal, je n’y suis pas allée de main morte. Ça va me classer définitivement dans la catégorie des harpies hystériques qui n’apprécient pas les hommes, et j’en ai rien à foutre. Si quelqu’un veut la vérité en cet instant, non, je n’aime pas les hommes. Je veux quitter cet endroit et m’isoler quelque part pour laisser se déchaîner mes émotions. Je veux pleurer sur ma propre stupidité dans ma chambre d’hôtel, si ce n’est pas trop demander. 

— On peut savoir ce qui t’a pris ? se plaint Louis.

— T’aurais pu être un peu plus discret ! Au minimum !

Il s’assied sur le sol. Il est verdâtre et complètement nu, dans une posture humiliante, et il a encore l’air d’un roi. Je ne peux pas m’empêcher d’admirer son corps. Ses larges épaules, sa poitrine bien dessinée, ses plaquettes de chocolat. Ce type a des plaquettes de chocolat ! C’est la première fois que j’en vois dans la vraie vie. Je pensais que ça n’existait pas, que c’était une invention des magazines, de Photoshop et de Hollywood pour nous faire nous sentir mal dans nos baskets. Ses jambes sont longues et musclées. Sa peau est dorée à la lumière du feu. Quant à son visage, je préfère ne pas le regarder. Ce type est taillé pour l’amour et la duplicité, je le vois bien maintenant. J’enfile rageusement mes bottes, balance mon ordinateur dans mon sac de sport, zippe la fermeture éclair si vite qu’un morceau m’en reste dans la main. Je jette la petite pièce métallique dans la cheminée et passe la bandoulière sur mon épaule. 

Il s’est levé péniblement et essaye de se rhabiller. 

— Attends, Jeanne, tu me parles s’il te plaît ? 

Je m’arrête, butée. 

— Tu viens de te taper la gardienne juste après avoir baisé avec moi, c’est suffisamment clair comme explication pour toi ?

Ses yeux s’arrondissent. 

— Je… quoi ? Qu’est-ce que tu racontes ? 

— Ne fais pas l’innocent, ça ne te va pas du tout !

Ça lui va très bien en fait, il ne manque que les ailes et un accessoire angélique du genre harpe ou plutôt javelot ou un disque. C’est ça. Un javelot divin.

— Je ne comprends pas. Tu m’as vu ? Avec Isaure ? Qu’est-ce que vous avez toutes à me maquer avec Isaure aujourd’hui ?

Ça va finir par arriver jusqu’au cerveau, je suppose, mais je n’ai pas toute la nuit, alors, je reprends mon chemin vers la sortie. Vers ma chambre d’hôtel confortable et chauffée, avec le câble. Et ma valise avec la boîte de Négus, ces délicieuses confiseries nivernaises qui coûtent un bras et demi, avec leur cœur fondant et leur promesse de plombages futurs. 

— Attends ! proteste Louis en se rhabillant. C’est absurde. Je suis resté ici tout le temps. Je ne couche pas avec Isaure. Tu as dû me confondre avec quelqu’un d’autre.

— Ton sosie, c’est bien ce que je disais.  

— C’était sûrement quelqu’un d’autre, qu’est-ce que tu as vu exactement ? 

Je lance par-dessus mon épaule :

— Alors ça, c’est vraiment minable, mettre en doute mes observations et mes déductions pour te dédouaner. Tu fais une entrée triomphale au hit-parade des connards, direct à la première place. Si tu as le culot de m’envoyer une facture, je te ferai parvenir la mienne en retour.

— Je ne mets pas en doute tes observations, s’énerve-t-il. Je me défends contre tes accusations. Je suis resté ici tout ce temps. J’étais dans les vapes après ce que tu m’as fait ! Il y a sûrement une erreur. Tu n’as pas pu me voir avec Isaure parce que je n’ai…

— C’est bien ce que je disais : minable.

J’ouvre la porte. 

— Attends ! crie Louis. 

Maintenant, si je ne me retourne plus, c’est surtout parce que j’ai les yeux qui piquent et pleurer face à ce type est la dernière chose dont j’aie envie. Il reste en moi des cellules, à vrai dire une bonne partie, qui rêveraient de recommencer ce que nous avons fait tout à l’heure, et je le déteste encore plus pour cet effet qu’il me fait.  

J’ai besoin de retrouver l’intimité de ma voiture, tout de suite. Mais Louis me court après en enfilant son pull : 

— Attends, tu penses que tu pourrais avoir vu un fantôme ?

C’est tellement ridicule que je me retourne en ricanant. 

— Explication 1 : Louis Destel est un connard qui se paye ma tête. Explication 2 : je viens de tomber dans mon château sur un fantôme qui est ton portrait craché et en plus il se tape la gardienne ! À ton avis, quel est le scénario le plus plausible ? 

Je pousse la porte et je suis dehors. Je commence à avoir vraiment du mal à retenir mes larmes. 

Le pare-brise de ma voiture est déjà recouvert de givre, mais je m’en fiche, je dois partir au plus vite. 

— Ne démarre pas comme ça. Laisse-moi donner un coup de raclette et explique-moi ce qui t’arrive.

Je crie : 

— Va-t’en ! 

Ma voix est aiguë et stridente, cette fois je me mets vraiment à pleurer, mes clefs tombent par terre, je fouille l’herbe pour les trouver. 

— Jeanne, reste ici, qu’on en discute de manière rationnelle, ou irrationnelle, comme tu préfères…

J’éclate à nouveau d’un rire amer.

J’entends des aboiements qui se rapprochent. Les molosses d’Isaure. Si je ne veux pas me faire mordre les fesses, j’ai intérêt à récupérer mes clefs rapidement. Je vois d’ici les titres de faits divers « le médium et sa maîtresse célébraient des messes noires et sacrifiaient des oies blanches parisiennes ». Ce n’est pas le scoop que j’avais en tête en venant à Vauvey.

— Jeanne ! insiste Louis.

Les chiens déboulent au coin du bâtiment. Ils sont énormes et courent à toute allure. Je débloque la serrure in extremis et me jette sur le siège du passager en claquant la portière derrière moi avant d’actionner le verrouillage centralisé. 

Louis tape sur le carreau, tape sur le toit, un clébard lui saute dessus, une voix claire résonne dans la cour : « assis ! ». C’est Isaure. 

Sans attendre de voir s’il va bien, j’enclenche la marche arrière en laissant libre cours à mes larmes.

La suite demain ! Ou bien ici.

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